dimanche 4 novembre 2007

lettre de la perte 6

De la perte
immense
à perte de vue
les paysages en transe
désertent l'horizon
ne reste plus
silence
que l'ombre d'une ombre
de passage
qui va passer
qui passe
et tes larmes
des larmes coulées dans la fatigue
solitude étalée là
prend mesure le continent entier
dans lequel
plongée
la solitude trempée de cette épuisement là
perte qui nomme la solitude
qui nomme le temps
et l'espace, et le comble enfin
et le remplace

Perte sans fin
d'une fin accrochée
aux derniers pans du ciel
aux derniers lambeaux d'un temps
prolongé
dans la courbe de ton visage

(de ton visage effacé par le temps passé et recomposé par autre chose de plus grand que le temps à venir qui comblera l'oubli : ton visage comme ton regard, et le moindre mouvement de tes épaules, le grain de ta peau, le timbre impossible d'une voix aussi précise que tendue, et tout cela qui s'invente dans l'oubli trace route au dessus de ces mois, intervalle comme d'un siècle en travers du souvenir, mais de cet oubli, de cette perte de toi dans laquelle je drape chacun de ces mots, résiste comme un essentiel, timbre de voix, regard déposé, dessins que j'ai gardés des traces que dans l'air tes mains à peine esquissaient, et plus haut que moi, l'effacement du visage redonnent épaisseur et justesse plus juste que l'image de ta présence)

de chaque mouvement rêvé
de tes gestes suspendus
de l'autre côté du monde
et même de l'autre côté de l'autre côté du monde

Perte encore
des bagages égarés dans le retard
retard de quoi
retard du temps sur toi
retard de la vie
sur le moindre de tes désirs
jetés en avant de toi
comme on jette un sort
aux marchands de sommeil
aux poussières qu'ils vendent
aux mensonges qui les possèdent

tu perds tes bagages
une grammaire
étrangère
mais pas même des vêtements
(tu n'as rien emporté)
juste
un livre

un livre peut-être
le mien - ou non
perdu là-bas,
à tout jamais perdu
immense
lui même perdu derrière toi
épousant la course de ton retard
semé comme les cailloux du petit poucet
le livre perdu de ta perte
éperdu essaimé ; moment immense
où la perte est si pure
qu'elle porte en elle un gain plus puissant encore
comme on part on se déleste
comme on s'en va
on n'emporte rien d'autre que soi
et l'image du monde
qui figure la perte même que ta course entraine